Des calligraphes contemporains du Japon au musée Guimet

Publié le par Zazen Rouge

Le musée Guimet, véritable temple des arts asiatiques, est l'un de mes endroits préférés à Paris, et je ne peux que l'aimer encore plus maintenant qu'il convie des blogueurs à donner leurs impressions sur les expositions qu'il organise. C'est dans ce contexte que j'ai pu assister au vernissage de l'impressionnante exposition « SHO1, 41 Maîtres calligraphes contemporains du Japon », dont les œuvres resteront accessibles au public du 14 mars au 14 mai 2012. Bon à savoir : les calligraphies sont situées au sein des collections permanentes, ce qui signifie que vous pourrez profiter pour le même tarif à la fois de ces œuvres temporaires, mais aussi des autres superbes pièces dont regorge le musée. Une excellente occasion pour découvrir ou redécouvrir les émouvantes collections cambodgienne, tibétaine, indienne, japonaise... Et notamment pour les ressortissants européens de moins de 26 ans, pour lesquels la visite est gratuite sous présentation d'une pièce d'identité !

Arts

Sois familier avec les arts par Taisho Akahira 2011 (crédits: Mainichi Shodôkai/Ichiro Otani) 

L'exposition SHO1

L'exposition SHO1 est organisée conjointement par le musée et la Mainichi Shodôkai, une association de calligraphie dépendante du célèbre journal japonais Mainichi. Les oeuvres présentées, si elles se qualifient toutes de contemporaines, n'en sont pas moins extrêmement diverses : de la calligraphie classique à celle d'avant-garde, de la beauté des formes à celle de l'encre, il y en a pour tous les goûts ! Toutes s'appuient pourtant sur la tradition, car comme le rappelait justement Stéphane Barbery lors de notre précédente visite à l'atelier du calligraphe Kôzô Higasa, briser les règles est une démarche qui prend tout son intérêt lorsque l'on connaît bien ces règles. Je consacrerai un autre billet à une petite histoire de la calligraphie japonaise afin que celui-ci reste un tant soit peu digeste.

HeianHeian par Joryû Matsui, 1955 (crédits: Mainichi Shodôkai/Ichiro Otani)

La visite débute avec cinq œuvres de grands maîtres disparus et pionniers de la calligraphie contemporaine, comme Sesson Uno ou encore Ôtei Kaneko. Parmi elles, L'envol par Yûkei Teshima possède une force évocatrice capable d'étonner même ceux qui ne comprennent pas le japonais ! Les 36 autres œuvres, réalisées par des calligraphes actuels représentatifs de l'association Mainichi Shodôkai, sont divisées selon plusieurs sections. Vous pourrez ainsi admirer des oeuvres appartenant au genre des caractères chinois, d'autres à celui des grands caractères (Yûkei Teshima en était un des précurseurs), de l'avant-garde, du syllabaire japonais, de la poésie moderne, de l'écriture sigillaire, ou encore des caractères gravés. Difficile de rester insensible devant Le bloc noir juste après, œuvre de Sôkyû Nagamori ayant reçu le grand prix de la 63ème édition de l'exposition annuelle de la Mainichi Shodôkai. Celle-ci est l'expression graphique d'un article décrivant les conséquences immédiates du séisme et du tsunami du 11 mars 2011. Sur la toile, signifiant et signifié ne font plus qu'un : un terrifiant bloc noir (黒い塊 – kuroi katamari).

TadoruTadoru par Kyôji Nakagawa, 2011 (crédits: Mainichi Shodôkai/Ichiro Otani)

 

Les démonstrations de calligraphie

Le point fort de l'exposition est que le musée propose également des démonstrations réalisées par des calligraphes lauréats de la 63ème édition de l'exposition annuelle de la Mainichi Shodôkai. Vous serez libres d'assister gratuitement à des ateliers d'explications et à des improvisations en retirant à l'accueil un carton d'accès une heure avant la séance. Une expérience à ne pas manquer, car la calligraphie japonaise est une performance en soi ! Vous pouvez ainsi voir la personnalité de l'artiste s'exprimer à travers ses mouvements, plus ou moins rapides, retenus ou violents, sur des surfaces qui peuvent être très étendues.

Calligraphie 0581Maître Suikoku Yamanaka écrit le caractère "matsuri"

Pour le vernissage de l'exposition, nous avons d'abord eu le droit à une démonstration du maître Suikoku Yamanaka. D'une encre fluide et diluée, il trace d'un trait discontinu un unique caractère. Yume (), Le Rêve, évoque très bien l'idée d'un courant, rapide par endroits, doux ailleurs. Ses méandres sont tantôt profonds, tantôt translucides. Les différentes vitesses d'exécution ont permis de donner une impression de relief. L'accent a ici été mis sur la beauté du mouvement et de la forme (造形美 – zôkeibi). Sa deuxième improvisation, Matsuri (), La Fête sacrée, utilise la graphie la plus ancienne de cet idéogramme. Ce dernier est alors composé de différentes sous-parties : la main, qui dépose la viande sur l'autel ; on comprend qu'il s'agit d'une offrande faite aux dieux lors d'une fête rituelle ! Le maître s'est cette fois concentré sur la beauté de la construction (構築美 – kôchikubi).

Calligraphie 0603Maître Suikoku Yamanaka et son Rêve

Calligraphie 0604

La Fête sacrée, idéogramme ancestral par Suikoku Yamanaka-sensei

C'est ensuite le maître Sôkyû Nagamori qui a pris le pinceau pour tracer un imposant caractère, tout en force et en intimidation : Yoroi (), L'Armure de guerre ! Une calligraphie d'autant plus intéressante si vous avez pu admirer les pièces de l'exposition Samouraï l'année dernière au Quai Branly. Sa seconde démonstration était d'un tout autre registre : Pari no Koi (パリの恋), Amour parisien, mêlait trois écritures différentes : le syllabaire japonais katakana, le syllabaire japonais hiragana, et les idéogrammes. Elle mélangeait de plus les époques, puisque le caractère utilisé pour amour était écrit d'une façon désuète. L'écriture légère inspirait bien cette image romantique qu'ont de nombreux Japonais de Paris, ville de l'amour !

Calligraphie 0613Maître Sôkyû Nagamori nous montre son Armure de guerre

Calligraphie 0616

Amour parisien, une calligraphie toute en finesse par Sôkyû Nagamori-sensei

Enfin, le maître Daiun Tsujimoto a réalisé une calligraphie du genre poésie moderne, en écrivant une comptine intitulée Furusato, ode au pays natal. Pour conclure l'atelier, il a avec entrain calligraphié un poème de Kanako Yoshida, professeur à l'université Gakushûin à Tokyo, en s'attachant à créer une harmonie entre la version japonaise et les vers français écrits avec une encre verte légère. Les membres du public ont eu la chance de repartir avec des mots de leur choix calligraphiés par les trois maîtres ! N'hésitez pas à aller faire un tour sur le blog de Sucre Glace pour voir les maîtres en action.  

Calligraphie 0619La comptine (童謡 - dôyô) Furusato, calligraphiée par Daiun Tsujimoto-sensei

Calligraphie 0621

Poème de Kanako Yoshida retranscrit par Maître Daiun Tsujimoto

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