葵祭 - Aoi Matsuri

Publié le par Zazen Rouge

L'une des trois grandes fêtes de Kyôto avec Jidai Matsuri et Gion Matsuri, Aoi Matsuri a lieu tous les 15 mai à l'époque de la floraison des glycines. Plus de 600 figurants en costumes de l'ère Heian (794 - 1192) forment une procession qui se déplace de Kyôto Gosho, l'ancien palais impérial, jusqu'au sanctuaire de Kamigamo au nord de la ville. Aoi est le nom donné aux roses trémières (ou aux mauves selon les traductions). Ces fleurs figurent sur les costumes des participants et sur l'emblème de Kamigamo-jinja. Les origines de la fête remontent au règne de l'empereur Kinmei (539 - 571), lorsque ce dernier a ordonné en 545 l'exécution de rituels sacrés après que  les cieux se soient montrés peu cléments envers les récoltes. Aoi Matsuri est donc l'un des festivals les plus anciens du Japon, a connu ses heures de gloires sous l'ère Heian, mais reste extrêmement populaire dans le Kyôto d'aujourd'hui.

 

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Le rose, déjà très tendance à l'époque.

 

C'est donc sous un soleil radieux que Vert et moi nous sommes mises en route vers Shimogamo-jinja afin de voir la procession faire halte à midi. Peine perdue! Les berges de la rivière étaient noires de monde, et c'est à peine si l'on a pu apercevoir un char à boeufs ornés de glycines sur le pont qui mène au sanctuaire. Nous n'avons cependant pas cédé au désespoir et nous sommes précipitées en bus vers Kamigamo-jinja, point de ralliement final du festival. Comme nous sommes arrivées avec beaucoup d'avance, il restait encore des sièges disponibles au premier rang dans l'enceinte. Une fois munies de nos rubans V.I.P., nous avons pu prendre le temps de nous promener dans le temple (nous risquions autrement de brûler vives sur nos bancs, étant donné que la procession ne devait faire son apparition qu'à 15h30). Kamigamo-jinja est dédié au dieu du tonnerre Kamo-wake-ikazuchi. Le temple est également associé au Yatagarasu, corbeau à trois pattes et messager divin bien connu des joueurs de Gyakuten Kenji et de Persona. Puisqu'aujourd'hui c'est la fête, toutes les baraques de nourriture et de jeux sont de sortie. Mais le stand le plus intéressant est de loin celui des brochettes de concombre. Les Japonais ont une fâcheuse tendance à mettre toutes sortes de produits comestibles de forme allongée (saucisses, bananes, glaces tubulaires...) sur des bâtons et poussent le vice jusqu'à s'en délecter en public. Je n'en dis pas plus car je pense que ma collègue Vert vous prépare un billet sur la nourriture phallique au pays du Soleil Levant. 

 

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Et comme il fait beau, on sort les ombrelles!

 

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Un furyûgasa ( 風流傘)

 

Laura précède la procession de peu et vient prendre place à nos côtés. La cérémonie débute avec un convoi de plusieurs émissaires du sanctuaire qui apportent une missive sacrée aux chefs de file de la procession. Malheureusement pour nous qui l'ignorions, les cavaliers ont coutume de descendre de leurs montures avant de pénétrer dans le sanctuaire, privant les spectateurs assis de la possibilité d'admirer les bêtes. Nous avons en revanche une vue splendide sur les costumes des figurants: manteaux roses, verts, pantalons avec un dégradé de blanc et de violet, chapeaux de cour à aigrettes, il y a même un ensemble jaune vif finement rayé de noir à faire pâlir d'envie Maya l'Abeille. Archers et aristocrates défilent suivis de gigantesques ombrelles croulant sous les fleurs. Leurs porteurs exhibent des peaux de tigres et de panthères sous les exclamations admiratives de la foule. On fait même parader deux chevaux qui roulent des yeux inquiets.

 

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"On se la joue discret..."

 

Voilà que retentissent des accords qui nous sont maintenant familiers. Ce sont les shô ( 笙) et les hichiriki ( 篳篥), instruments clés de la musique de cour gagaku, qui annoncent la partie de la procession la plus prisée des visiteurs. Voici venir la saiô-dai ( 斎王代). "Elle nous ennuie Zazen Rouge avec ses termes japonais!" Soit. Passons aux explications: la saiô-dai était traditionnellement une jeune femme, soeur ou fille de l'empereur, qui était envoyée aux sanctuaires de Kamigamo et Shimogamo. Ce symbole de pureté est aujourd'hui choisi parmi les jeunes filles non mariées de Kyôto. Elle est accompagnée des ses suivantes du nom de warawame (童女). Celles-ci sont vraiment adorables dans leur costume coloré, bien que leurs visages évoquent ceux de petits fantômes (je ne ferais pas la maligne si je tombais nez à nez avec l'une d'entre elle dans un couloir désaffecté).

 

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La saiô-dai dans toute sa splendeur

 

La saiô-dai elle-même est majestueuse dans sa robe blanche ( 小忌衣 - omigoromo) et son kimono à douze couches ( 十二単 - jûni-hitoe). Quelqu'un de mon entourage prétendait il y a peu qu'il était impossible de porter douze couches de kimonos. Pour avoir vu de mes propres yeux l'habillage d'une de ces princesses, je confirme qu'elles portent bien douze vêtements de soie, si ce n'est plus. Je fais d'ailleurs part de toute mon admiration à la saiô-dai pour avoir su conserver une expression si digne alors que la chaleur était accablante. A la suite de la princesse viennent ses dames de compagnies, les myôbu ( 命婦). C'est un véritable festival du kimono! Des dizaines et des dizaines de tenues différentes ornées de phénix, de chrysanthèmes, de grues, des traînes immenses... Toutes ces apparitions solennelles s'engouffrent d'un pas lent dans les profondeurs du temple. Derrière elles les uneme ( 采女 - filles de riches provinciaux ayant des fonctions de prêtresses) portent des diadèmes qui rappellent les vieux us shamaniques nippons. Je me damnerais bien pour leur manteau à motifs d'écailles et de papillons.

 

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Une des uneme

 

Cette élégante assemblée est suivie d'un personnage non moins important. A vrai dire, son rang est tellement élevé que les prêtres demandent aux spectateurs de se lever pour l'accueillir. Car le nouvel arrivant n'est autre qu'un messager officiel de l'empereur ( 勅使 - chokushi), ceint d'un sabre doré. Non loin, des aristocrates vêtus de robes oranges et de pantalons à imprimés de feuilles de bambous, le chic du chic, se préparent à interpréter une danse connue sous le nom d'azuma asobi ( 東遊). Pour fermer la marche, des joueurs de koto, harpe japonaise à treize cordes, transportent un instrument tout en pinçant quelques notes. Je ne peux m'empêcher de glisser un commentaire sur leur habit couvert de lions chinois: cela vaut bien un défilé de John Galliano!

 

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Le messager impérial

 

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"Et maintenant je vous joue Through the Fire and Flames sur mon koto. C'est partiiii!"

 

D'autres rituels avaient lieu plus tard, notamment un consistant à faire courir des chevaux dans entre les deux torii (portiques sacrés) du sanctuaire, mais je n'ai pu y assister car je devais préparer une cérémonie du thé. J'étais tout de même ravie d'avoir pu assister à la parade!

 

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Les fantômes retournent là d'où ils sont venus...

 

Publié dans Zazen Festivités

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O
This is how the festival carries the ones in the procession to the Shimogamo Shrine. This is all the vision of the three-legged crow that made this one carried out all through the years. The pink is always trendy.
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Z
<br /> <br /> Comme toujours, j'adore la balance de sérieux et de n'importe quoi dans tes légendes photographiques, non vraiment! Encore très bien, ça donne envie d'y retourner! (même si on me signale qu'on ne<br /> peut plus T_T)<br /> <br /> <br /> <br />
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