お茶会 – O-chakai : La réunion de thé

Publié le par Zazen Rouge

Journée intense pour les Muchûjin théophiles, puisque nous étions les hôtes d'une cérémonie du thé publique en plein centre ville de Takamatsu. Une scène avait pour l'occasion été aménagée sous le grand dôme de Marugame, à l'intersection de deux avenues couvertes commerçantes. Outre la scène, sur laquelle était disposée la table Tenyûjoku destinée à la cérémonie du thé, une dizaine de tables étaient réparties sur la place. Les curieux pouvaient donc venir déguster un thé en contemplant nos temae (点前 – le rituel pour faire le thé matcha). Ce « spectacle » était une initiative de Chûjô-sensei, qui souhaitait promouvoir la culture du thé auprès du grand public.

Ocha-zanmai 9299Sur le rouleau accroché, "Kissako" (喫茶去): "Venez boire un thé"

Vu je m'inquiétais de faire une démonstration devant autant de personnes alors que je ne suis qu'une débutante, il nous a expliqué hier : « Les Japonais d'aujourd'hui font preuve de beaucoup de timidité. Ils ont beaucoup de mal à entreprendre des choses. Comme ils sont en plus perfectionnistes, ils ont tendance à ne rien faire du tout plutôt que de faire des erreurs. Avec cette démonstration, je souhaite leur faire comprendre que l'important, c'est d'essayer. » Chûjô-sensei a une ouverture d'esprit remarquable. Pour la majorité des clubs de thé japonais, il serait impensable de laisser des élèves peu expérimentés pratiquer le temae au cours d'une telle manifestation. Nous sommes donc extrêmement chanceux d'avoir pu faire cette expérience, et c'est la raison pour laquelle je me devais de participer à l’événement malgré ma trouille monstre.

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La convivialité de la table Tenyûjoku (Taoka-sensei est l'invitée du fond en noir)

Qui dit cérémonie du thé dit généralement kimono, lorsqu'il ne s'agit pas d'un vêtement formel. Pour les hommes, le kimono et le hakama (pantalon large traditionnel) sont de rigueur. On favorise les couleurs sobres : le noir, le marron, le gris ou le vert la plupart du temps, car les couleurs criardes ne sont pas les bienvenues dans l'austérité de la salle de thé. Pour les femmes, le choix est plus complexe. Il existe plusieurs types de kimonos en fonction de l'âge, des occasions, du degré de formalité... Dans le monde du thé, le kimono le plus commun est le iromuji (色無地 - kimono de couleur unie, sans motifs), qui convient à des réunions de thé variées et se marie bien au caractère modeste et plein d'humilité de la Voie du thé. Un autre genre de kimono employé est le hômongi (訪問着 – littéralement, « kimono de visite »), vêtement formel qui comporte un motif qui s'étend sur tout le bas de la « robe ». On peut également utiliser un komon (小紋 – kimono comportant des motifs répétés sur toute la surface du tissu), plus décontracté, mais on évitera d'en porter un lors des cérémonies les plus formelles. Deux lectures très complètes à conseiller sur les kimonos : « Kimono » de Liza Dalby et « The Book of Kimono » par Norio Yamanaka.

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Kitamura-sensei en hômongi et Nicolas en hakama

Les garçons se sont débrouillés seuls pour mettre leurs hakama, grâce aux connaissances de Thierry qui pratique le kendô. Quant à moi, c'est Taoka-sensei, notre traductrice attitrée en anglais et femme de thé de l'école Omote-senke, qui a eu la gentillesse de m'habiller en moins de 20 minutes (je mets pour ma part plus d'une heure à mettre un kimono seule, pour un résultat à dresser les cheveux sur les têtes). Mon kimono avait été gracieusement prêté par Ozaki-san, ce qui explique qu'il ait été un poil trop petit. C'était un iromuji violet, une couleur ordinairement associée aux femmes d'âge mûr, mais qui d'après mes mentors vestimentaires allait bien avec mon teint pâle. Ozaki-san dispose d'une pléthore d'accessoires pour faciliter le port du kimono. Un exemple : la manche magique. Il s'agit de manches amovibles que l'on fixe avec des scratchs sur le sous kimono. Elles permettent de tricher en changeant la couleur des manches (qui sont un peu visibles sous le kimono) et en les ajustant facilement. Autre astuce : le tsuke-eri (付け襟), un mini baudrier, pain béni de celles qui ont du mal à garder leur col bien droit.

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Sourire et kimono, les deux mamelles du succès! Un grand merci à l'équipe des organisateurs et aux bénévoles!

Taoka-sensei m'a ensuite montré comment dissimuler mon appareil photo à l'arrière de ma ceinture, comme un vrai ninja, euh, comme une femme japonaise. Et c'est parti pour quatre heures de performance, avec deux temae chacun pour Thierry et moi, et une séance d'esclavagisme pour notre assistant Nicolas, qui doit être attentif pendant toute la durée de la réunion de thé. Les passants s'arrêtent, intrigués par ce spectacle. Nous avons des invités de marque : des notables de Takamatsu, des gens de thé, Takao-sensei et Nobuko-san... Mais les plus impressionnants sont deux invités qui conservent le sourire et leur dignité pendant les 30 minutes que durent mon temae : une petite fille de cinq et un bébé ! Une dame nous a offert en remerciement des gâteaux et des petits mots individualisés très touchants. Un monsieur d'Osaka a par la suite pilé net en apercevant Nicolas le Strasbourgeois en hakama. « Tu as le corps d'un Français, le cœur d'un Allemand, et tu agis comme un Japonais ! Je suis très ému ! » Même si je tremblais comme une feuille morte et que j'ai saupoudré la table de thé, je suis ravie de cette après-midi qui nous aura permis de faire des rencontres passionnantes !

Ocha-zanmai 0195 On s'appelle on se fait un thé? (crédits: Thierry Del Socorro)

Mizutani-sensei nous a récupérés en voiture à la fin de la performance pour nous emmener au Anabuki Hall, où nous avons retrouvé Chûjô-sensei et Yûko-san, qui apprend également l'art du thé. Nous étions invités par le maître de thé au spectacle clôturant le Kagawa Art Festival. « Koi suru Jurietto » ou « La Juliette amoureuse » était une représentation unique sur le thème de Roméo et Juliette et regroupait une centaine d'artistes de la préfecture. Certaines des performances étaient d'un niveau exceptionnel : ainsi le ballet éthéré d'une troupe de ballet (Takamatsu peut se vanter d'avoir deux écoles de danse classique, pas mal pour une ville de province!), les sons mystiques du groupe de flûte traditionnelle japonaise (尺八 – shakuhachi) Tokôsha, le solo de danse contemporaine de Miyuki Satô, ou encore la voix puissante du ténor Kenji Wakai.

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Le grand final

Je suis consciente d'avoir omis de parler de notre confection de pâtisseries d'hier matin, je le ferai dès que j'en aurai l'opportunité ! N'oubliez pas de regarder les live de l'équipe des Shikoku Tours sur la chaîne de Guillaume si le thé ou les bonsaïs vous intéressents, ils contiennent pas mal d'informations complémentaires à nos blogs.

Publié dans Shikoku Muchujin

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<br /> <br /> Votre attitude en tenant le "chawan" est remarquable et j'aime beaucoup la couleur de votre kimono ainsi que l'ambiance qui ressort de cette photo.<br /> <br /> <br /> <br />
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Z
<br /> <br /> Je suis malheureusement une bien mauvaise hôte en cérémonie du thé, mais Thierry et Nicolas étaient là pour assurer! La photo est de Thierry Del Socorro, que j'ai oublié de créditer, oups! Je<br /> vais le faire de suite!<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> <br /> Je suis fasciné par autant d'érudition.Une telle connaissance des us et coutumes japonais me laisse...rêveur!<br /> <br /> <br /> Je suis les aventures des blogueurs depuis plusieurs semaines déjà car l'une d'elles me touche particulièrement.<br /> <br /> <br /> <br />
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Z
<br /> <br /> Merci pour le commentaire! Nous sommes très chanceux d'être accueillis par des artisans très ouverts qui n'hésitent pas à nous fournir de nombreuses explications et à nous montrer toutes sortes<br /> de choses auxquelles le grand public n'a d'habitude pas accès. C'est une expérience exceptionnelle! J'espère que nos articles vous donnerons envie de visiter la région ;)<br /> <br /> <br /> <br />